Le plus beau lundi de ma vie tomba un mardi ! by Camille Andrea & Camille Andrea

Le plus beau lundi de ma vie tomba un mardi ! by Camille Andrea & Camille Andrea

Auteur:Camille Andrea & Camille Andrea [Andrea, Camille & Camille Andrea]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Plon
Publié: 2022-05-25T11:18:22+00:00


Le vieux qui avait peur de la guerre

Il avait pris l’annuaire téléphonique, recopié noms et adresses, inventé des signatures pour la plupart, imité celles qu’il connaissait déjà. Un travail colossal. Des centaines d’heures passées à se crever les yeux sur le papier, à former des lettres, les crampes aux poignets, réveillant son arthrite, mais le bonheur de savoir qu’il rendrait l’enfant heureux. Ce ne serait peut-être pas assez pour tromper l’analyse poussée d’un fonctionnaire zélé, mais bien assez pour faire naître l’espoir dans l’esprit de Noah, lui montrer que rien n’était impossible, qu’il suffisait de vouloir les choses pour qu’elles existent. C’était un mensonge, oui, une supercherie, mais les étoiles qu’il provoquerait dans les yeux du garçon en valaient la peine. Le rêve n’avait pas de prix.

— Et maintenant ? dit l’enfant, dépassé par les événements.

Il semblait ne jamais avoir envisagé de pouvoir réunir les signatures auxquelles il aspirait, ne jamais avoir pensé à ce qui viendrait ensuite, ne jamais avoir cru qu’il puisse réellement se présenter aux élections. Et maintenant que cela arrivait, il ne savait quoi dire, quoi faire. Mais Noah était un enfant aux ressources inépuisables, et la surprise, la confusion, ne dura qu’un instant. Il sourit, explosa de rire et de joie et sauta au cou du vieil homme, qui mettait en bouche une cuillérée de petits pois qui finirent par tomber, rouler sur la table et achever leur course entre les fibres du tapis. Jacob se laissa assaillir, heureux lui aussi. Et quiconque serait passé à ce moment-là aurait cru surprendre un grand-père et son petit-fils dans la plus tendre, la plus merveilleuse expression de leur amour.

La scène fut interrompue par la sonnette de la porte.

Le vieux sursauta. Son air redevint sérieux, craintif. Cela n’avait pas échappé à Noah que le vieux sursautait chaque fois qu’il y avait un bruit dans la rue.

— Ça me rappelle la guerre, dit-il pour se justifier lorsqu’il revint au salon. Toujours sur le qui-vive… Bon, ce n’était rien, des démarcheurs. Ils veulent te vendre tout et n’importe quoi.

Mais Noah sut qu’il mentait. Parce qu’il avait entendu la conversation depuis le salon. Il s’était approché de la fenêtre qui donnait sur le seuil de la maison et avait vu les deux types. Deux hommes habillés de noir. « Tu n’as pas honte ? avaient-ils dit en désignant la mezouzah sur le cadre de la porte. Barre-toi de ce quartier ! La prochaine fois, on sera plus violents que ça ! » Et Jacob était revenu au salon l’air insouciant alors qu’à l’intérieur il devait bouillir de rage. Noah admirait son courage, son abnégation, le souhait de préserver l’enfant de la méchanceté des adultes. Par respect, il ne demandait rien, ne laissait pas voir à Jacob qu’il savait, qu’il avait compris.

Quand je serai président, tout cela n’arrivera plus ! pensa Noah. Le jour viendrait peut-être plus tôt que prévu, pensa le garçon en reposant son regard sur la chemise cartonnée et les cinquante mille signatures.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.